Ça fait 11 ans, jour pour jour, que nous avons défriché les premières parcelles du quartier libre des Lentillères. Depuis ce n’est pas passé de mode. La terre continue à se soulever avec vous toutes et tous, et des quartiers, des parcelles, des zones sont occupées pour empêcher la construction de grands projets.
Aux Lentillères nous continuons à occuper 9 hectares de terres, à toujours plus nombreux, nombreuses, et avec toujours le désir d’y construire des choses ensemble, des jardins, des fêtes, des maisons.
Aux Lentillères nous continuons à occuper 9 hectares de terres, pour empêcher la mairie, les promotteurs immobilier, la préfecture et l’État d’intervenir sur ce petit-grand chez nous / chez lui / chez elle / chez eux que nous aimons. Eux ils voulaient construire un « éco » quartier en béton. Maintenant, ils veulent des jardins « partagés » cloisonnés et bien administrés.
Nous on vit aux Lentillères, nous on mange aux Lentillères, nous on construit aux Lentillères, nous on discute aux Lentillères, nous on travaille aux Lentillères, nous on jardine aux Lentillères, nous on danse aux Lentillères, nous on pleure aux Lentillères et on explose de joie aussi. C’est comme ça qu’on habite et qu’on lutte aux lentillères.
En 2019, François Rebsamen, le maire de Dijon – socialiste, eh oui ils n’ont pas tous disparus… – annonce dans une conférence de presse l’abandon de la phase 2 du projet d’« éco » quartier qui menaçait ce que nous avions construit aux Lentillères.
Nous aurions pu avoir la sensation d’avoir gagné en 2019. Pourtant non, nous n’avons pas gagné en 2019 puisque notre lutte n’a pas de fin en soi et pas de finalité en-dehors de la vie du quartier. La victoire au singulier n’existe pas. La victoire n’aura pas lieu à un moment précis. On s’arrêtera jamais de lutter. Habiter sur ce quartier, c’est défendre des formes de vie qui ne seront jamais assimilées, intégrées ou validées par l’État, c’est aussi continuer de soutenir les luttes d’ailleurs, les squats et les occupations, c’est aussi encore et toujours essayer de déconstruire les rapports de pouvoir entre nous.
Nous ne voulons pas seulement l’abandon d’un projet immobilier, nous ne voulons pas seulement empêcher la bétonnisation de ces terres, nous voulons défendre une manière de vivre sur ce quartier, ce qui y naît, ce qui y vieilli. Et nous sommes prêtes et prêts à beaucoup pour cela, parce que ce quartier ne peut pas disparaître ou devenir quelque chose sans nous. Capitch Rebsou ?
En décembre dernier, la mairie a menacé cette vie de quartier. Elle a parlé d’expulser les « mauvais habitants » en rassurant les « gentils jardiniers », eux pourront rester. Mais ici les habitantes sont des jardinières et les jardiniers sont des habitants. Ici les usagers et les usagères ne sont pas des individus parcellisés qui travaillent seulement pour leurs petits ou leurs grands intérêts singuliers.
Ici Machin fait à manger pour Truc Muche et Bidule qui plantent des patates dans un champ pendant que Gadjo et Dylo refont les chemins. Il y a aussi Machine qui répare le poids lourd pour aller à la manif et Josette, William, Jacky et Avrelle qui lèvent une charpente. Pour être claire si on jarte Machin, l’éco-système se pète la gueule. C’est ça pour nous l’autogestion : l’entremêlement des usages. la terre pas juste à celles et ceux qui la cultivent, mais à celles et ceux qui l’habitent de n’importe quelle manière.
Donc non Rebsamen tu ne choisiras pas qui restera et qui partira. Ici c’est chez moi, chez elle, chez lui, chez nous mais c’est pas chez toi. Never. 11 ans donc, mais ce n’est qu’un début. Le printemps est la plus belle saison des Lentillères. Le temps des grands soulèvements et des petites éclosions. Les abeilles vous le diront. Elles fredonnent d’ailleurs que celui-ci s’annonce particulièrement miellifère.
Le marché ne va pas tarder à reprendre. Il y a des gens sur les toits pour défendre les maisons. Ils en profitent pour boucher QUELQUES fuites. Ils y en a d’autres qui ont décidé de construire, plus grand pour un peu plus de commun. Nous aurons bientôt un espace pour pouvoir toutes et tous vous accueillir, trinquer à l’avenir et faire des plans sur la comète. Nous ne lâcherons jamais la comète, la nôtre, la comète des Lentillères. Nous sortirons scaphandre et boucliers s’il le faut pour s’opposer à leur conquête de l’espace.
Alors chers ami.e.s à vos talkie-walkies, on va tous se mettre sur la même fréquence : 1312, 1312, vous me recevez ? Nous avons besoin de vous pour défendre ce quartier et nous espérons que vous répondrez présents et présentes,
Vive les Vaîtes
Vive les Lentillères