Pourquoi s’attaquer au PLU ? Genèse de la ZEC

Lorsque nous commençons à étudier les recours encore possibles en 2017, nous découvrons qu’une des seules possibilités serait de passer par une attaque du « PLU » qui va devenir « PLUi » pour « Intercommunal ».

Bien obligé·es de commencer à comprendre de quoi il s’agit, nous voilà parti·es à la découverte des acronymes…
Un PLU, c’est un Plan Local d’Urbanisme, il s’agit du document créé par la municipalité ou la métropole pour réglementer l’occupation des sols de son territoire. C’est en même temps une cartographie et un règlement. Il divise le territoire en plusieurs zones bien spécifiques. Il y a 4 grandes zones : les Zones Urbaines (ZU), les Zones À Urbaniser (ZAU), les Zones Agricoles (ZA) et les Zones Naturelles (ZN). Ces zones sont définies par le Code de l’Urbanisme (c’est-à-dire qu’elles sont règlementées par l’État) mais les municipalités ont la possibilité de créer des sous-zonages plus spécifiquement dédiés à telle ou telle occupation des sols ou usage, comme par exemple une Zone Urbaine Cultivée.

Chacune de ces zones est dédiée à un certain type d’usage, sans vraiment de souplesse. Cela crée donc un territoire où l’on sépare là où on vit, de là où on mange, de là où on danse, de là où on cultive, de là où on se balade, de là où la « nature » peut exister, etc. Sur le PLUi voté par la métropole de Dijon, les 9 hectares du Quartier Libre des Lentillères apparaissent comme une Zone À Urbaniser (ZAU), qui devra laisser place à « l’écocité Jardin des Maraîchers ». Attaquer juridiquement le PLUi est donc une bonne occasion d’affirmer que « les Lentillères ne sont pas une zone à urbaniser ».

Mais une vaste question s’ouvre alors : Et si nous gagnions ce recours ? Comment voudrait-on que soient classées les Lentillères ? Si ce n’est pas une « ZAU », alors qu’est-ce que c’est ?
Au quartier, nos relations avec le territoire sont, pour un même endroit, multiples, diverses et même changeantes, en fonction des saisons, des projets ou des décisions de l’assemblée. L’habitat, le maraîchage et la préservation des espaces et des espèces sont tellement liés que nous sommes incapables de savoir quel zonage serait le plus adapté : un zonage agricole empêcherait toute autre activité que de l’agriculture, une zone naturelle nous interdirait de cultiver ou d’habiter ici.

Assez vite, nous comprenons que la vision du monde construite par les PLU est complètement différente de celle que nous élaborons. Elle est basée sur une ultra-densification des zones urbaines, une exploitation sans limite des terres sur les zones agricoles et une mise sous cloche de la nature dans les zones naturelles.
Doucement, nous commençons à construire une critique de cette politique de gestion des territoires par l’Etat qui consiste principalement à valoriser économiquement au mieux chaque zone, sans penser les interactions entre humain·es et non-humain·es.

Guidé·es d’une part par cette critique du PLUi et une méfiance partagée vis-à-vis des cadres institutionnels existants, d’autre part par les réflexions universitaires qui nous encouragent à la créativité juridique, nous commençons à imaginer une voie naviguable : une ZEC, Zone d’Ecologies Zone d’Écologie Communale, inventée de toute pièce.

Lancée comme une demi-blague par l’un d’entre nous lors d’une assemblée, la ZEC signifiait d’abord Zone d’Exception Communale, mais on a remplace assez vite remplacé le mot « exception » par « écologie » parce qu’on ne se sentait pas exceptionnel·les, et qu’on ne veut pas le devenir.

Ce zonage farfelu devient vite la proposition la plus enthousiasmante à opposer à la Zone À Urbaniser, et nous commençons à travailler sérieusement ce qu’il pourrait contenir.
Deux points sont mis en avant : l’entremêlement des usages et la délégation de l’organisation de la zone à une assemblée d’usagè·res. Ce deuxième point est particulièrement audacieux juridiquement : il reviendrait à établir que c’est l’usage d’un territoire (règlementé par le PLU) et non la propriété (règlementée par des contrats) qui en détermine l’organe décisionnaire.
Construit sur la filiation politique de l’auto-gestion et de l’auto-détermination des peuples, ce renversement de perspective confie le soin des ressources directement à celles et ceux qui en dépendent.

Enfin, la rencontre avec des personnes du quartier de la Baraque à Louvain-la-Neuve (en Belgique) nous confirme la possibilité de se saisir du PLU. Ses occupant·es ont proposé et construit avec la municipalité de Louvain un zonage appelé Aire des Quartiers Alternatifs, dont les principes sont entre autres de favoriser la vie communautaire, l’autoconstruction et la réappropriation du temps et de l’espace.

Malgré l’annonce médiatique de l’abandon de l’écoquartier, le PLUi qui est voté un mois plus tard, en décembre 2019, définit toujours les Lentillères comme Zone À Urbaniser. En février 2020, nous décidons donc de l’attaquer en déposant un recours au Tribunal Administratif à la fin d’une manifestation et sous une rangée de poireaux.
On y lit un bref communiqué qui annonce que le quartier des Lentillères doit devenir une Zone d’Écologies Communale : zone qui favoriserait un entremêlement respectueux entre l’habitat, l’agriculture et le soin de la biodiversité, et dont les usages seraient discutés et décidés dans une assemblée d’auto-organisation.
Lors de la campagne municipale du printemps 2020, plusieurs petits partis de gauche reprennent cette proposition, et mettent dans leurs programmes la création de la « ZEC des Lentillères »…

SOMMAIRE

1 / Pourquoi s’attaquer au PLU ? Genèse de la ZEC

2 / Pourquoi nous parlons d’Écologies et de Communale ?

3 / La Zone d’Écologies Communale – Règlement

4 / Quelques pistes pour défendre juridiquement la ZEC

5 / L’Aire des Quartiers Alternatifs de la Baraque, un exemeple de zonage élaboré par ses occupant·es